Choisis la Vie !
Le 7 octobre 2020, j’adressais aux diocésains une lettre pastorale Ne les laissez pas seuls, pour aider à réfléchir sur la situation des personnes âgées, particulièrement celle des résidents d’EHPAD, et pour inviter à une plus grande fraternité et solidarité à leur égard. Cette lettre pastorale avait été suscitée par des situations dramatiques apparues lors du confinement sanitaire en vue d’enrayer l’épidémie du Covid 19. Peu de temps après était révélé le scandale de la maltraitance dans des maisons de retraite gérées par un grand groupe privé français.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Des voix s’élèvent pour alerter l’opinion publique sur le fait que l’arbre (un groupe privé) ne doit pas nous cacher la forêt. Non pas qu’on devrait soupçonner qu’existent des actes de maltraitance dans tous les EHPAD, mais plutôt réagir face à une situation globale qui est celle d’un manque drastique de moyens, lequel se traduit par des sous-effectifs en personnels soignants, des limitations dans la prise en charge intégrale de la personne, parfois dans la qualité de la nourriture, et donc dans le bien-être des résidents. On ne peut être qu’admiratif devant le dévouement des personnels soignants des EHPAD. Mais, il faut aussi entendre la plainte de plusieurs d’entre eux, qui vont jusqu’à avouer des négligences dans le soin, à cause de la surcharge de travail.
À l’heure où beaucoup de français se mobilisent sur la question des retraites, et en particulier sur l’âge de départ à la retraite, ne devrait-on pas aussi se soucier de la qualité de vie des 610 000 personnes résidents en EHPAD (dans dix ans, il y en aura 720 000) ?
À l’heure où il est question de revoir la loi Claeys-Léonetti et de légaliser le suicide assisté ou l’euthanasie, appelés par euphémisme « aide active à mourir », ne ferait-on pas mieux de se préoccuper d’apporter un surcroît d’aide-à-vivre pour nos aînés ?
À l’heure où les députés ont approuvé un projet de loi pour inscrire dans la Constitution « le droit à l’avortement », corrigé par « la liberté à l’avortement » par les sénateurs, ne serait-il pas plus moral et plus nécessaire de légiférer sur les droits des personnes en EHPAD et les devoirs que la société doit avoir à leur égard ?
Il y a quelques années, le pape Jean-Paul II avait osé parler, avec inquiétude, de « la culture de mort » dans les sociétés dites de « progrès ». Ses successeurs, Benoît XVI et François, ont repris à leur compte cette expression très forte pour éveiller les consciences de nos contemporains. Lorsqu’on en vient à légiférer sur un droit à mourir ou à faire mourir des êtres humains (on utilise bien sûr des expressions plus « soft » pour nommer ce droit), n’est-ce pas en effet qu’une culture de mort prend le pas sur une culture de la vie, du respect de la vie humaine ? Lorsqu’une société préfère fermer les yeux sur les conditions de vie des personnes que le grand âge rend dépendantes, n’est-ce pas aussi le signe que les revendications pour le bien-être d’une partie de la population des biens portants a éclipsé le devoir moral de solidarité et de respect envers les plus fragiles et les plus vulnérables, ceux qui ne peuvent plus faire valoir le moindre droit ? Si ce n’est pas un élan de justice et de charité qui soit capable de nous animer, que ce soit au moins la perspective de notre propre sort futur qui puisse nous inquiéter suffisamment et nous pousser à réagir et à nous mobiliser pour que les choses changent !
La Parole de Dieu, dans le livre du Deutéronome (30, 19) est toujours d’actualité pour les croyants que nous sommes : « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance. »
Profitons du temps du Carême, dans la prière et l’esprit de pénitence, pour convertir notre regard, changer nos cœurs et nos manières de vivre, en nous engageant résolument pour le respect de la vie humaine, et en nous faisant la voix des sans-voix.
Mgr Francis Bestion
Évêque de Tulle
Lettre pastorale des évêques de France : Ô Mort, où es ta victoire ?
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