Accompagnement des personnes en fin de vie
Concernant le projet de loi sur la fin de vie, je vous propose quelques éléments de vigilance, à partir de la réflexion d’un groupe de travail de la Conférence des Évêques :
Poursuivre le développement des soins palliatifs. Quatre lois (dont les dernières sont les lois Claeys-Leonetti, de 2005 et 2016) ont donné un cadre juridique à l’exercice des soins palliatifs. Il s’agit de l’accompagnement des malades en fin de vie par des personnels qualifiés, en recherchant l’apaisement de leurs souffrances. La priorité aujourd’hui devrait être que cela soit possible sur tout le territoire national – ce qui n’est pas le cas… De plus, dans cette perspective de soin et d’accompagnement des malades, il conviendrait qu’une formation spécifique soit donnée à tous les soignants dans le cadre de leurs études médicales. Il s’agit en fait de développer une véritable ‘ culture palliative ’, en diffusant un savoir et des bonnes pratiques.
Mieux articuler le curatif et le palliatif. Les soins palliatifs ne devraient pas être limités à des actes de sédation de la souffrance physique, dans les quelques semaines qui précèdent la fin de vie. Il faut les envisager dans toute leur extension, notamment sur les plans psychologiques et spirituels, au fur et à mesure que la maladie évolue, en les associant aux soins curatifs.
Incompatibilité entre l’accompagnement jusqu’au bout et l’euthanasie. Le soin est totalement étranger au fait de provoquer la mort. Le soin soigne la vie, jusqu’au bout ; l’euthanasie donne la mort. Le soin implique de ne pas abandonner la personne en fin de vie, de ne pas la laisser seule face à ses propres désirs ambivalents.
Préserver l’intention dans l’acte de soin est capital. Le savoir-faire palliatif permet de pratiquer la sédation réversible dans la plupart des situations où la souffrance est réfractaire. La sédation profonde et continue, maintenue jusqu’au décès, est pratiquée sur décision collégiale dans l’unique intention d’apaiser les souffrances. Recourir à la sédation avec l’intention de donner la mort est une application dévoyée de la loi Claeys-Leonetti. Avec ‘ l’aide active à mourir ’, une confusion grave s’introduirait dans l’intention des soignants. La mort pourrait ainsi devenir, non plus l’effet de la maladie, mais le résultat d’un acte délibéré du personnel soignant.
Ne pas transgresser l’interdit de provoquer la mort. Introduire dans la loi une ‘ aide active à mourir ’ irait contre le commandement divin « tu ne tueras pas ». Plus largement, il ferait transgresser le principe civilisateur de ne pas provoquer la mort, lequel structure notre manière de vivre ensemble en société. Certains arguent que cela ne concernerait que des cas-limites individuels. Mais, nul n’ignore que dans les pays où a été ouverte la porte à cette ‘aide active à mourir’, l’on n’a cessé ensuite d’élargir la possibilité à d’autres situations.
Quel message serait envoyé aux personnes âgées, affaiblies et dépendantes ? La possibilité donnée d’une ‘ aide active à mourir ’ ou d’un ‘ suicide assisté ’ peut vite engendrer dans la conscience des personnes très affaiblies par la souffrance, le handicap lourd ou le grand âge un sentiment de culpabilité et d’indignité sociale. Pourquoi ne pas y recourir dès lors qu’on devient dépendant de la solidarité des proches et de la société ?
Contradiction entre prévention du suicide et proposition du suicide assisté. La société déploie, à juste titre, des moyens importants pour prévenir le suicide et pour soigner les personnes qui ont fait une tentative de suicide. Comment alors promouvoir en même temps le suicide assisté comme un soin ?
Notons que treize organisations représentant 800.000 soignants confrontés à la fin de vie, viennent de signer un texte exprimant leur refus de toute évolution législative vers ‘ l’aide active à mourir ’. Le soin ne peut pas provoquer la mort. Légaliser l’euthanasie serait une régression, un échec, une rupture très grave de notre conception de l’humanité.
+ Francis BESTION,
Évêque de Tulle
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